La loi de Moïse s’applique-t-elle aux chrétiens?

Moses-RiberaOn m’a demandé récemment si la Loi de Moïse s’appliquait à nous (sous-entendu chrétiens) aujourd’hui, en lien aussi avec l’affirmation de Jésus selon laquelle il n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir. Essayons d’y voir plus clair, sur base du Nouveau Testament.

Pour cette question de la loi, un bon passage à étudier est Galates 3. (A lire et avoir sous les yeux depuis maintenant)
Pour Paul, la base du salut par la foi dont nous bénéficions est dans la promesse faite par Dieu à Abraham (v.8-9). Cette promesse ne mentionne pas la loi comme condition, et la loi qui vient 430 ans après la promesse ne peut pas rajouter des conditions à cette promesse  (v. 15-18 – d’ailleurs le mot que la plupart des traductions traduisent par « testament » signifie Alliance, et il y a certainement dans ces versets une référence à l’Alliance conclue entre Dieu et Abraham en Genèse 15 et 17.). La loi est venue après, pour servir de précepteur qui nous conduise jusqu’à Christ, mais une fois Christ venu nous ne dépendons plus de la loi. Paul en Galates 5.1-4 averti assez durement ceux qui veulent chercher leur justification dans la loi.

De manière assez similaire, l’épître aux Hébreux  montre que dans la nouvelle Alliance il n’y a plus des prêtres descendants d’Aaron, mais un grand-prêtre descendant de Juda et prêtre selon l’ordre de Melchisédek, Jésus-Christ. Sur la loi, l’épître aux hébreux dit :

« En effet, lorsque le sacerdoce est changé, il y a nécessairement aussi un changement de loi » (7.12),

et « En effet, il y a, d’une part, suppression d’un commandement antérieur à cause de sa faiblesse et de son inutilité — car la loi n’a rien porté à son accomplissement — et, d’autre part, introduction d’une espérance supérieure, par laquelle nous nous approchons de Dieu.  » (7.18-19 – il faut quand-même préciser que « commandement » pourrait désigner le commandement précis qui établit les descendants d’Aaron comme prêtres; la loi dans son ensemble serait concernée par « changement » mais pas par « suppression ».).

Voir aussi Romains 7, en particulier 4-6, qui dit que nous sommes morts par rapport à la loi pour en être dégagés et vivre par l’esprit.

Globalement, il est correct de dire que comme commandement et comme manière d’organiser la relation avec Dieu, la loi de Moïse ne vaut plus sur nous, en tout cas pas directement.  Par contre ce que le Nouveau Testament ne fait nulle-part, c’est d’annuler le fait que la loi a été donnée par Dieu. La loi vaut donc toujours comme révélation de Dieu, mais pas comme code juridique.

Maintenant il faut nuancer un peu tout cela, en 1 Corinthiens 9.20 et 21 Paul se présente comme n’étant pas sous la Loi (mosaïque), mais pas sans loi non plus : il est sous la loi du Christ :

« Avec les Juifs, j’ai été comme un Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme quelqu’un qui est sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi — et pourtant moi-même je ne suis pas sous la loi ; avec les sans-loi, comme un sans-loi, afin de gagner les sans-loi — et pourtant je ne suis pas un sans-loi pour Dieu, je suis lié par la loi du Christ. »
Romains 12.2 nous appelle aussi à discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait, et Romains 6.15-23 montre bien que la libération de la loi ne doit pas conduire à mal agir, mais que nous sommes appelés à la justice. Ne pas être soumis à la loi de Moïse ne veut donc pas dire l’anarchie.
En Matthieu 5.17-20, Jésus affirme ne pas être venu pour abolir, mais pour accomplir, et toute la question est de savoir ce que signifie « accomplir ». Une chose que l’on peut observer immédiatement, c’est que dans la suite de Matthieu 5, Jésus cite des commandements de la loi en disant  » il a été dit … » et ajoute  » mais moi je vous dit: ». Dans ces cas, Jésus donne une règle différente et plus exigeante que celle de la loi Mosaïque : il accomplit la loi en se montrant encore plus exigeant (voir aussi le début de Matthieu 19 pour un exemple où Jésus montre que la loi était encore trop accommodante). Mais ce que Jésus fait n’est pas rien : il met sa propre autorité au dessus de la loi de Moïse.

Et d’une manière générale, la justice que nous sommes appelés à mettre en oeuvre en tant que chrétiens dépasse celle qu’exigeait la loi (celle des scribes et des pharisiens, Mt 5.20). Donc je pense que pour ce qui est de l’éthique, la Loi peut nous indiquer la bonne direction, mais qu’il ne faut pas s’arrêter à ce qu’elle demande. C’est cohérent avec le fait que la loi montre quelque chose de la volonté de Dieu, mais est une étape, et qu’elle est encore adaptée à la situation et aux limites de l’époque. (et le NT peut souvent nous guider pour voir comment faire la traduction pour nous).

Faisons encore un petit traitement différencié de diverses prescriptions de la Loi:

Pour tous les commandements qui ont trait aux sacrifices etc., l’épître aux hébreux montre clairement que Jésus les a accomplit par son sacrifice, et donc on n’a plus a les suivre.

Pour les règles éthiques, comme déjà dit elles sont poussées plus loin par Jésus, mais en même temps on ne les vit pas sur le mode de la loi qu’il faut accomplir pour gagner son salut.

Il y avait aussi des règles dans la Loi de Moïse qui concernait l’organisation du peuple d’Israël, la royauté, etc; il semble raisonnable de considérer qu’elles ne nous visent pas directement, dans le sens où le Nouveau Testament n’envisage pas l’institution d’une théocratie chrétienne sur terre.

Reste encore toutes les petites règles de pureté, de comportement pratique etc. Il serait tentant de les laisser de côté, mais Matthieu 5.19 sur les « petits commandements » nous met en garde contre cela. Sur les règles alimentaires, il nous est dit que Jésus déclarait tous les aliments purs (Marc 7.18-23), et on peut dire qu’il accomplit ces règles de puretés en montrant que la chose importante est la pureté du coeur plutôt que celle des aliments.  Reste quelques petits éléments comme ne pas mélanger les tissus (Lev 19.19), où il est difficile de donner des références précises pour montrer que cela ne vaut pas dans la nouvelle alliance, mais une cohérence générale pousse à ne pas les appliquer.

Jean-René Moret

Ce qui précède est une ébauche de traitement d’un thème complexe, et les positions prises peuvent être discutées. N’hésitez pas à le faire en commentant ce billet!