La loi de Moïse s’applique-t-elle aux chrétiens?

Moses-RiberaOn m’a demandé récemment si la Loi de Moïse s’appliquait à nous (sous-entendu chrétiens) aujourd’hui, en lien aussi avec l’affirmation de Jésus selon laquelle il n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir. Essayons d’y voir plus clair, sur base du Nouveau Testament.

Pour cette question de la loi, un bon passage à étudier est Galates 3. (A lire et avoir sous les yeux depuis maintenant)
Pour Paul, la base du salut par la foi dont nous bénéficions est dans la promesse faite par Dieu à Abraham (v.8-9). Cette promesse ne mentionne pas la loi comme condition, et la loi qui vient 430 ans après la promesse ne peut pas rajouter des conditions à cette promesse  (v. 15-18 – d’ailleurs le mot que la plupart des traductions traduisent par « testament » signifie Alliance, et il y a certainement dans ces versets une référence à l’Alliance conclue entre Dieu et Abraham en Genèse 15 et 17.). La loi est venue après, pour servir de précepteur qui nous conduise jusqu’à Christ, mais une fois Christ venu nous ne dépendons plus de la loi. Paul en Galates 5.1-4 averti assez durement ceux qui veulent chercher leur justification dans la loi.

De manière assez similaire, l’épître aux Hébreux  montre que dans la nouvelle Alliance il n’y a plus des prêtres descendants d’Aaron, mais un grand-prêtre descendant de Juda et prêtre selon l’ordre de Melchisédek, Jésus-Christ. Sur la loi, l’épître aux hébreux dit :

« En effet, lorsque le sacerdoce est changé, il y a nécessairement aussi un changement de loi » (7.12),

et « En effet, il y a, d’une part, suppression d’un commandement antérieur à cause de sa faiblesse et de son inutilité — car la loi n’a rien porté à son accomplissement — et, d’autre part, introduction d’une espérance supérieure, par laquelle nous nous approchons de Dieu.  » (7.18-19 – il faut quand-même préciser que « commandement » pourrait désigner le commandement précis qui établit les descendants d’Aaron comme prêtres; la loi dans son ensemble serait concernée par « changement » mais pas par « suppression ».).

Voir aussi Romains 7, en particulier 4-6, qui dit que nous sommes morts par rapport à la loi pour en être dégagés et vivre par l’esprit.

Globalement, il est correct de dire que comme commandement et comme manière d’organiser la relation avec Dieu, la loi de Moïse ne vaut plus sur nous, en tout cas pas directement.  Par contre ce que le Nouveau Testament ne fait nulle-part, c’est d’annuler le fait que la loi a été donnée par Dieu. La loi vaut donc toujours comme révélation de Dieu, mais pas comme code juridique.

Maintenant il faut nuancer un peu tout cela, en 1 Corinthiens 9.20 et 21 Paul se présente comme n’étant pas sous la Loi (mosaïque), mais pas sans loi non plus : il est sous la loi du Christ :

« Avec les Juifs, j’ai été comme un Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme quelqu’un qui est sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi — et pourtant moi-même je ne suis pas sous la loi ; avec les sans-loi, comme un sans-loi, afin de gagner les sans-loi — et pourtant je ne suis pas un sans-loi pour Dieu, je suis lié par la loi du Christ. »
Romains 12.2 nous appelle aussi à discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait, et Romains 6.15-23 montre bien que la libération de la loi ne doit pas conduire à mal agir, mais que nous sommes appelés à la justice. Ne pas être soumis à la loi de Moïse ne veut donc pas dire l’anarchie.
En Matthieu 5.17-20, Jésus affirme ne pas être venu pour abolir, mais pour accomplir, et toute la question est de savoir ce que signifie « accomplir ». Une chose que l’on peut observer immédiatement, c’est que dans la suite de Matthieu 5, Jésus cite des commandements de la loi en disant  » il a été dit … » et ajoute  » mais moi je vous dit: ». Dans ces cas, Jésus donne une règle différente et plus exigeante que celle de la loi Mosaïque : il accomplit la loi en se montrant encore plus exigeant (voir aussi le début de Matthieu 19 pour un exemple où Jésus montre que la loi était encore trop accommodante). Mais ce que Jésus fait n’est pas rien : il met sa propre autorité au dessus de la loi de Moïse.

Et d’une manière générale, la justice que nous sommes appelés à mettre en oeuvre en tant que chrétiens dépasse celle qu’exigeait la loi (celle des scribes et des pharisiens, Mt 5.20). Donc je pense que pour ce qui est de l’éthique, la Loi peut nous indiquer la bonne direction, mais qu’il ne faut pas s’arrêter à ce qu’elle demande. C’est cohérent avec le fait que la loi montre quelque chose de la volonté de Dieu, mais est une étape, et qu’elle est encore adaptée à la situation et aux limites de l’époque. (et le NT peut souvent nous guider pour voir comment faire la traduction pour nous).

Faisons encore un petit traitement différencié de diverses prescriptions de la Loi:

Pour tous les commandements qui ont trait aux sacrifices etc., l’épître aux hébreux montre clairement que Jésus les a accomplit par son sacrifice, et donc on n’a plus a les suivre.

Pour les règles éthiques, comme déjà dit elles sont poussées plus loin par Jésus, mais en même temps on ne les vit pas sur le mode de la loi qu’il faut accomplir pour gagner son salut.

Il y avait aussi des règles dans la Loi de Moïse qui concernait l’organisation du peuple d’Israël, la royauté, etc; il semble raisonnable de considérer qu’elles ne nous visent pas directement, dans le sens où le Nouveau Testament n’envisage pas l’institution d’une théocratie chrétienne sur terre.

Reste encore toutes les petites règles de pureté, de comportement pratique etc. Il serait tentant de les laisser de côté, mais Matthieu 5.19 sur les « petits commandements » nous met en garde contre cela. Sur les règles alimentaires, il nous est dit que Jésus déclarait tous les aliments purs (Marc 7.18-23), et on peut dire qu’il accomplit ces règles de puretés en montrant que la chose importante est la pureté du coeur plutôt que celle des aliments.  Reste quelques petits éléments comme ne pas mélanger les tissus (Lev 19.19), où il est difficile de donner des références précises pour montrer que cela ne vaut pas dans la nouvelle alliance, mais une cohérence générale pousse à ne pas les appliquer.

Jean-René Moret

Ce qui précède est une ébauche de traitement d’un thème complexe, et les positions prises peuvent être discutées. N’hésitez pas à le faire en commentant ce billet!

Questions sur Marc – Episode II – Histoires de démons

LegionDeux nouvelles questions-réponses sur l’évangile de Marc, avec cette fois deux histoires de démons.

Marc 5.12-14 pourquoi le truc avec les cochons ?

« Et les démons supplièrent Jésus en disant : Envoie-nous dans ces pourceaux afin que nous entrions en eux. Il le leur permit. Et les esprits impurs sortirent, entrèrent dans les pourceaux, et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer. Il y en avait environ deux mille, et ils se noyèrent. Ceux qui les faisaient paître s’enfuirent et répandirent la nouvelle dans la ville et dans les campagnes. Les gens allèrent voir ce qui était arrivé. » Marc 5.12-14

Dans cette histoire, Jésus chasse un grand nombre de démons d’un possédé. Un démon chassé de son hôte va plus ou moins errer en cherchant une autre victime (Mt 12.43 – où il est question d’aller dans les lieux arides, le désert p.ex). Les démons de cette histoire supplient Jésus de ne pas leur infliger cela (Mc 5.10), mais négocient pour pouvoir aller habiter le troupeau de porc à la place. Remarquons que pour les juifs, les porcs sont impurs, et la présence d’un troupeau de porc sur cette terre qui était celle d’Israël (cela se passe sur la rive est du lac de Galilée, qui faisait partie de l’Israël ancien mais à l’époque de Jésus était surtout peuplée de païens) devait être un scandale pour les juifs. Maintenant, ça laisse quelques questions ouvertes :

  • Les démons savaient-ils ce qu’ils allaient faire au troupeau (auquel cas ils demandaient une occasion de jouer un mauvais tour), ou bien ont-ils été surpris par la réaction ? (une fois les porcs noyés, il se retrouvent vraisemblablement dans la situation d’esprits errants)

  • Pourquoi Jésus les autorise-t-il à entrer dans le troupeau ? Est-ce une manière de sanctionner la présence des porcs ? Est-ce un piège pour les démons ?

  • Et d’abord pourquoi Jésus accepte de « négocier » ? A-t-il une forme de pitié même pour les démons ?

A ces questions je n’ai pas forcément de réponses, donc je les laisse à votre méditation. Remarquons juste que l’histoire du troupeau va d’une part confirmer que les démons sont bien sortis du démoniaques, et d’autre part frapper les esprits des gens, d’abord négativement dans l’immédiat, mais en Marc 6.53 quand il repasse dans le coin, tout le monde le reconnait et vient à sa rencontre.

Comment comprendre Marc 9.29 ?
Qu’est-ce qui est différent par rapport aux autres démon que Jésus a chassé ?

« Il leur dit : Cette espèce (de démon) ne peut sortir que par la prière. » Marc 9.29

Par rapport à 9.29, une première remarque c’est que les mots « et par le jeûne » sont discutés, dans le sens où ils manquent dans les 2 meilleurs manuscrits qu’on aie, même s’ils sont présent dans la plupart des autres, donc on se demande si ça fait partie du texte d’origine. Une autre remarque, c’est que le texte dit « cette espèce ne peut en rien sortir si ce n’est par la prière [et par le jeûne] ». C’est vrai qu’on comprend souvent ça dans le sens « cette espèce de démon particulière », mais on peut aussi comprendre « cette espèce, à savoir les démons ». Dans le premier cas, ça reste un mystère pour moi, il n’y a pas tellement d’autre endroit où on voie une différence entre plusieurs sortes de démons, et ici on ne voit effectivement pas ce qu’il aurait de particulier. Dans le second cas, ça pourrait bien être que les disciples se sont mis à penser qu’ils étaient maintenant des experts face aux démons et qu’ils ont essayé de le chasser par leur force et leur autorité, sans se rappeler que leur autorité était dérivée de celle de Jésus et dépendait de Dieu. Dans ce cas, il y aurait simplement un rappel qu’on ne peut chasser des démons que dans la dépendance à Dieu exprimée par la prière. (Ça serait plus cohérent avec le fait qu’on ne voit pas Jésus faire une prière particulière, encore moins démarrer une longue période de jeûne).

Jean-René Moret

Questions sur Marc – Episode I

questionQuelques personnes ont posé des questions sur l’Évangile de Marc. Afin que leurs questions profitent à tous, voici quelques extraits de questions avec leur réponses. Que d’autres n’hésitent pas à s’en inspirer pour des questions en commentaire sur ce blog, ou à lirelabible@gbeu.ch.

Sur Marc 2.21-22, on ne sait pas trop ce que ça veut dire dans le contexte.

« Personne ne coud une pièce de drap neuf à un vieil habit ; autrement le morceau neuf emporterait le tout et la déchirure serait pire. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin fait rompre les outres, et le vin et les outres sont perdus ; mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves. » Marc 2.21.22

Réponse : C’est lié avec ce qui précède sur les pharisiens et les disciples de Jean qui demandent pourquoi les disciple de Jésus ne jeûnent pas. L’idée c’est que Jésus apporte une situation et une réalité nouvelle, et que ça implique un nouveau cadre. La question sur le jeûne est l’occasion pour Jésus de mettre au clair qu’il n’est pas juste venu ajouter une ou deux petites réparations à la vie religieuse des juifs, mais qu’il fait vraiment du neuf. On ne peut pas juste prendre un peu de ce que Jésus apporte pour remplir les trous de l’ancienne alliance, on ne peut pas mettre le message de Jésus ( vin nouveau) dans le fonctionnement religieux juif (vielles outres). La question sur le jeûne allait dans ce sens « Jésus, pourquoi toi et tes disciples vous faites pas comme tous les autres juifs qui veulent être pieux », Jésus montre que justement il ne s’agit pas de continuer à faire ce qui s’est fait jusque là.

Sur Marc 3.29 : C’est quoi le blasphème contre le Saint Esprit ? Et pourquoi ça peut pas être pardonné ?

« En vérité, je vous le dis, tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes, ainsi que les blasphèmes qu’ils auront proférés ; mais quiconque blasphème contre le Saint-Esprit n’obtiendra jamais de pardon : il est coupable d’un péché éternel. » Marc 3.28-29

Sur le blasphème contre le Saint-Esprit, c’est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre. Dans le contexte de Marc, c’est suite au fait que certains accusent Jésus de chasser les démons par le pouvoir de Béelzébul. En généralisant, ça voudrait dire « voir les oeuvres de Dieu clairement manifestées, et les attribuer au Diable ». Un autre passage, difficile aussi mais que l’on peut mettre en parallèle, c’est Hébreux 6.4-6. « Quant à ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste et ont eu part à l’Esprit saint, qui ont goûté la bonne parole de Dieu et les puissances du monde à venir et qui sont tombés, il est impossible de les amener à un nouveau changement radical (ici c’est mot qu’on traduit souvent par « conversion »). Car, pour leur propre compte, ils crucifient à nouveau le Fils de Dieu et le déshonorent publiquement. »

Ici, il s’agit de gens qui ont connu tout ce qu’il y a à connaître de Dieu et du salut, et qui se sont détournés quand-même. On peut voir là la raison qui fait que c’est sans retour : face à un tel endurcissement, rien de neuf ne peut les amener à nouveau à se repentir pour être pardonné. J’aurais donc tendance à dire que ce fameux péché contre le Saint-Esprit, c’est quand on a tout vu, tout connu, tout compris et qu’on s’est révolté tout de même, ce n’est pas que Dieu ne soit plus prêt à pardonner, mais c’est que de telle personnes ne sont plus prêtes à se repentir. Et c’est compatible avec le texte de Marc, dans le sens où ceux qui ont vu les actions de Jésus et veulent les attribuer au diable le font délibérément alors qu’ils ont vu l’action de Dieu. D’ailleurs le passage de Marc ne nous dit pas si les personnes à qui Jésus parle ont commis ce péché, ou bien si Jésus les averti avant qu’il soit trop tard du danger de la manière de penser qu’ils adoptent.

Et puis une précision, des fois on trouve des gens qui s’inquiètent en se demandant si ils ont commis le péché contre le Saint-Esprit, mais le fait de se poser la question prouve que ce n’est pas le cas. Quelqu’un qui serait dans cet état ne serait pas inquiet d’avoir fait quelque chose de mal envers Dieu, mais au contraire serait endurci dans son attitude, au pont de ne pas vouloir se rendre compte de sa situation, ou alors de s’en revendiquer. Quant à juger pour quelqu’un d’autre s’il est dans cette situation, je ne crois pas que ce soit vraiment possible, donc pour moi c’est surtout utile comme avertissement de se rendre compte qu’on ne peut pas jouer à se détourner de Dieu en pensant qu’on pourra toujours se repentir après, parce qu’à ce jeu là il y a un point où on n’est plus capable de repentance.

Marc 4.11-12 et 24-25 on comprend pas trop :

« Il leur dit : C’est à vous qu’a été donné le mystère du royaume de Dieu, mais pour ceux du dehors, tout se passe en paraboles, 12afin que tout en regardant bien, ils ne voient pas et qu’en entendant bien, ils ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. » Marc 4.11-12

« Il leur disait encore : Prenez garde à ce que vous entendez. On vous mesurera avec la mesure avec laquelle vous mesurez et on y ajoutera pour vous. 25Car on donnera à celui qui a ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a. » Marc 4.24-25

Notons tout d’abord que quand Jésus dit cela, il n’est pas qu’avec les 12, mais avec un groupe plus nombreux qui l’entoure, qui n’est pas très bien précisé. Ce n’est pas la grande foule du verset 1, mais pas non plus juste les apôtres. Ce doit donc être ceux qui sont suffisamment intéressé pour vouloir en savoir plus, tandis que « ceux du dehors » (v.11) sont ceux qui ont écouté les paraboles et en sont restés là. Le verset 13 nous invite à voir ces paroles en lien avec la parabole du semeur, qui est racontée avant et expliquée après les versets qu’on considère. Chez certains, la parole de Jésus dite en paraboles produit du fruit, chez d’autres elle ne le fait pas.

Pour caractériser « ceux du dehors », Jésus reprend les paroles d’Esaïe 6.9-10. La prédication d’Esaïe était un moyen de jugement contre le peuple d’Israël rebelle, le fait qu’il prêchait le message de Dieu et n’était pas écouté venait confirmer la rébellion du peuple. Le message de Jésus est donné de manière énigmatique pour que ceux dont le coeur est bien disposé viennent chercher auprès de lui l’explication, mais que les autres n’y comprennent rien. On peut être étonné voir choqué par l’idée que le but est que ces gens ne se convertissent pas et ne soient pas sauvés. Mais à mon avis, ici comme dans Esaïe, le fait même que Dieu ne cherche pas leur conversion manifeste le degré de sa colère contre eux. Jésus est venu comme un sauveur, un Messie, comme l’ultime révélation de Dieu, mais il est aussi venu comme le Prophète promis en Deut. 18.18, qui vient dans le prolongement de tous les prophètes de l’Ancien Testament. Jésus va amener le salut pour le peuple juif (et toute les nations), mais il termine d’abord aussi le ministère de dénonciation des prophètes. Il est cependant moins absolu qu’Esaïe, puisque avec lui certains entendent et comprennent. Et le verset 4.22 montre que le côté secret de son enseignement ne durera pas toujours. Une fois sa mort et sa résurrection accomplie, ses disciples diront ouvertement et intelligiblement ce qui était énigmatique dans son enseignement, parce que dès lors le côté de condamnation a été accompli, et celui du salut peut avoir libre court. Sur les versets 24 et 25, déjà certaines traduction ont « prenez garde à ce que vous entendez », mais c’est surement plus juste de mettre « prenez garde à comment vous écoutez » (du point de vue de la grammaire grecque, les deux sont possibles). Ensuite cela met en lumière les conséquences de la manière d’écouter : ceux qui écoute de la bonne manière seront bien jugés, ceux qui écoutent mal seront mal jugés. Et il y a une mesure de grâce, puisque à ceux qui écoutent bien il sera encore ajouté. La parole concernant ceux qui ont et ceux qui n’ont pas est un avertissement, ceux qui commencent à se mettre à l’écoute de Jésus comprendront et recevront de plus en plus, ceux qui reçoivent mal son enseignement perdront même le peu qu’ils ont compris.

Pourquoi Jésus dit des fois aux gens de ne pas raconter ce qu’il a fait pour eux (ex. Marc 1.44 et 5.43) ?

« Jésus le renvoya aussitôt avec de sévères recommandations, et lui dit : Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au sacrificateur, et présente pour ta purification ce que Moïse a prescrit, afin que cela leur serve de témoignage. » Marc 1.43-45

C’est ce qu’on appelle le « secret messianique ». Jésus savait que ses miracles allaient le faire identifier comme étant le Messie, ou le prophète qui devait venir, etc. Ce qu’il était bien sûr, mais le problème c’est que les gens s’attendaient à ce que le Messie soit celui qui allait chasser les romains (païens !) de la terre d’Israël, régner sur les juifs et leur rendre leur indépendance, voir leur donner la domination sur les autres nations. Or Jésus savait que ce n’était pas par ce chemin là que son règne allait venir.

D’autre part se signaler trop tôt aurait pu conduire à ce qu’il soit exécuté avant d’avoir enseigné ce qu’il voulait enseigner. On peut voir un exemple de ces problèmes en Jean 6.14-15

« Ces gens, ayant vu le miracle que Jésus avait fait, disaient : Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde. Et Jésus, sachant qu’ils allaient venir l’enlever pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, lui seul.« 

Ailleurs il donne une interdiction de parler portant plus spécifiquement sur sa messianité (N.B. Messie = Christ ; messie en hébreux, christ en grec)

« Et vous, leur demanda-t-il, qui dites-vous que je suis ? Pierre lui répondit : Tu es le Christ. Jésus leur recommanda sévèrement de ne dire cela de lui à personne.  » Marc 8.29-30.

On voit là que juste après que Pierre confesse Jésus comme Christ, Jésus commence à expliquer aux disciples que ça va passer par sa mort et sa résurrection, et ça n’entre pas dans la vision de Pierre du Messie (Mc 8.31-33). Au passage, Jésus dit à l’ancien démoniaque de la question précédente de raconter ce que Jésus a fait, parce que lui vit dans un pays de païens qui ne vont pas tout de suite tirer des conclusions messianiques.

Marc 9.11-13 : si on a bien compris ça se réfère à Malachie 4.5-6 ( ou 3.23-24 dépend les traductions). Elie c’est qui dans ce contexte ? Comment faut-il comprendre qu’il va tout remettre en ordre ? C’est quoi le jour du Seigneur/ de l’Eternel ?

« Voici : moi-même je vous enverrai

Le prophète Élie

Avant la venue du jour de l’Éternel,

(Jour) grand et redoutable.

Il ramènera le cœur des pères à leurs fils

Et le cœur des fils à leurs pères,

De peur que je ne vienne frapper le pays d’interdit. »

Malachie 3.23-34

« Les disciples lui posèrent cette question : Pourquoi les scribes disent-ils : Il faut qu’Élie vienne d’abord ? Il leur répondit : «  Élie vient d’abord et rétablit toutes choses  ». Comment est-il écrit du Fils de l’homme qu’il doit souffrir beaucoup et être méprisé ? Mais je vous dis qu’Élie est venu et qu’ils l’ont traité comme ils l’ont voulu, selon ce qui est écrit de lui. » Marc 9.11-13

Sur Marc 9.11-13, on peut voir les choses un peu plus clairement en Matthieu 17.10-13. Donc dans ce contexte, Jean-Baptiste est l’Élie qui devait venir. L’idée qu’Élie va tout remettre en ordre est un résumé de ce que les scribes attendaient avec le retour d’Élie, et le mot grec pour rétablir est le même mot utilisé au début de Malachie 3.24 (ou 4.6) dans la traduction grecque de l’AT. Dans le texte de Malachie, il s’agit de rétablir des relations juste au sein du peuple. En un sens, Jean-Baptiste est venu appeler le peuple d’Israël à la repentance pour préparer la venu de Jésus, il a remis un certain nombre de choses en ordre, ce qui fait que Jésus lors de sa venue a trouvé des personnes prêtes à l’accueillir, et n’a pas eu que des paroles de jugement à prononcer. En même temps, on peut se demander si ce que JB a fait était vraiment « rétablir tout », ou bien s’il n’a fait que commencer, et que son travail a été interrompu par sa mise à mort (« ils l’ont traité comme ils ont voulu »), dans ce cas c’est Hérode qui porte la responsabilité de ce JB n’a pas « tout rétabli ».

Le jour du Seigneur désigne d’une manière générale le jour où Dieu va agir de manière décisive pour changer la situation du peuple de Dieu, pardonner ses péchés, le ramener de son éloignement, juger ses fautes. Par rapport à JB, le NT lui applique Malachie 3.1, JB est le messager qui ouvre le chemin, ensuite de quoi le Seigneur vient dans son temple comme messager de l’Alliance. Donc quand Jésus vient , qu’il prononce des jugements contre le peuple rebelle, qu’il l’appelle à changer, qu’il meurt pour ses péchés, ressuscite et entre dans sa gloire, c’est le jour du Seigneur qui est là. Mais il y a aussi un côté où les prophéties de l’AT montrent un peu tout ensemble sans faire de chronologie, et une chose qui est devenue apparente avec Jésus c’est qu’une partie des prophéties (pardon des péchés, don de l’esprit, etc.) concernait sa première venue, et qu’une partie concerne son retour final pour le jugement dernier.

Que penser du récit où les femmes trouve la tombe vide de Jésus, il semble être différent dans chaque évangile.

Sur les récits où les femmes trouvent la tombe vide de Jésus, c’est vrai qu’il y a des différences. Les noms des femmes mentionnées ne sont pas toujours les mêmes : tous le monde est d’accord sur Marie de Magdala ; Jean ne mentionne qu’elle, les 3 autres évangiles citent elles et une autre Marie, Matthieu ajoute Salomé, Luc une Johanna et d’autres femmes encore. Seuls Matthieu et Jean montrent une apparition personnelle de Jésus à la/aux femmes, et les autres détails varient aussi.

Quelques remarques sur tout ça :

      • Du point de vue de savoir si le récit décrit quelque chose qui s’est réellement passé, ces différences sont plutôt une bonne chose : si chaque récit était un copier-coller des autres, on dirait que les évangélistes se sont mis d’accord. Comme dans une affaire criminelle, le fait qu’il y ait des différence donne plutôt plus de crédit au récit des femmes : chaque évangéliste a transmis ce que ses sources permettaient d’affirmer. Mis ensemble, il reste au moins le fait que le tombeau était vide et le fait que Marie de Magdala était une des premières à voir ce fait.

      • Je reprends une remarque d’un pasteur, il se peut que lorsque les évangélistes citent quelqu’un par son prénom, c’est qu’il s’agit d’une personne qui est encore en vie pour témoigner, ou que des gens qui sont en vie ont connu. Si les noms sont cités pour que les personnes puissent confirmer le récit, ça serait assez logique que chaque évangéliste ne cite que les personnes dont il a le témoignage de manière sûre, voir de manière directe. Ça peut expliquer les listes différentes de femmes qui s’y trouvent.

      • Dans cette idée, vous voyez dans l’évangile de Jean, le passage de Marie de Magdala au tombeau tient en une ligne. Mais le passage de Pierre et Jean au tombeau en prend 9, ce qui est résumé en 1 verset en Luc 24.12 (avec seulement Pierre), et pas du tout chez les autres. Ça se comprend bien si c’est Jean qui écrit : il n’était pas au tombeau avec Marie, mais il se rappelle de Marie qui vient lui dire que Jésus n’y est plus, il se rappelle d’y être allé avec Pierre, il se rappelle de ce qu’il a vu. Il écrit donc d’après les sources qu’il a.

Donc bref, ça n’est pas très inquiétant pour la véracité de l’histoire, mais ça pose des questions sur l’inspiration des écritures, sur la vision qu’on en a. Pour moi je préférerais pouvoir dire que chaque mot est exact dans son sens le plus littéral et donne une description précise des choses telles qu’elles se sont passées, au détail près. Mais ces textes nous forcent à prendre une vision un peu plus nuancée, de voir que Dieu a employé les moyens humains de transmission, et qu’il n’a pas supprimé les variations que cela implique. C’est encore un témoignage de la manière dont Dieu a choisi de faire avec les hommes, avec nos moyens tels qu’ils sont. Je crois en l’inspiration parce que si Dieu a agi pour le salut, il ne va pas laisser le récit de son action se perdre au point qu’on ne sache plus ce qu’il a fait, et dans ces récits je crois que les détails qui varient ne vont pas remettre en cause ce qui s’est passé d’important. Je ne suis d’ailleurs pas sur qu’il y ait des contradictions formelles, au sens où il faudrait forcément qu’un des évangiles serait faux, en désaccord avec ce qui s’est réellement passé (s’il y a eu 3 ou 10 femmes au tombeau, Jean ne dit rien de faux en disant que Marie de Magdala y est allée, par exemple).

Marc 16.17 : quand il dit  » voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru », il veut dire quoi exactement?
Il faut qu’on s’inquiète si on parle pas en langues et qu’on chasse pas des démons…?

« Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru : En mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des serpents ; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal ; ils imposeront les mains aux malades et ceux-ci seront guéris. » Marc 9.17-18

Sur l’évangile de Marc il faut savoir que beaucoup des plus anciens manuscrits s’arrêtent au verset 16.8, et que certains ont une autre fin que ce qu’on a d’habitude dans nos Bibles (il en existe 4 ou 5 différentes). Comme le verset 8 fini en queue de poisson, on pense que la fin originale de l’évangile de Marc a été perdue tout au début de la circulation de l’évangile, et que d’autres fins ont été écrite pour compléter ; c’est pour ça que Marc 16.9-20 ressemble un peu à un résumé de ce qu’on trouve dans les autres évangiles. Comme disait mon prof de Nouveau Testament, il ne faut pas établir une doctrine uniquement sur la base d’un passage contesté, du coup ce qu’il faut faire avec ça c’est se demander ce que le reste du NT nous conduit à penser sur cette question. Dans cette idée, je crois que le NT montre que parmi les disciples de Jésus, certains ont montrés ces signes (serpent : Actes 28 ; chasser les démons : souvent dans les Actes ; breuvage mortel :… pas à ma connaissance ; guérison des malades : partout dans les Actes, surtout au début ; parler de nouvelles langues : Actes 2, 1 Corinthiens 14, etc.), et que ces signes ont servi à confirmer le message de l’évangile. Pour autant, je crois pas que chaque chrétien de l’époque faisait tout ça, et le but de ces signes n’est pas de prouver qu’untel est un vrai chrétien, mais de faire que l’Évangile soit reçu. Donc je crois pouvoir être clair, il n’y a pas besoin de s’inquiéter juste parce qu’on fait pas tout ça. Faut-il tout de même chercher davantage à vivre et voir ces choses ? Je vous laisse en juger…

Jean-René Moret

A suivre : 2 autres questions ayant particulièrement traits aux démons dans le même évangile.

Royaume de Dieu

Statue_briseeCe billet fait suite à quelques questions sur le royaume de Dieu, qui se résument ainsi:

– Le royaume de Dieu commence à l’époque de Jésus (Mt 3.2, 4.17), comment se fait-il que les royautés humaines n’aie pas disparu?

– En particulier Daniel 2 montre une statue qui représente les royautés terrestres et une pierre représentant le royaume de Dieu, et qui détruit la statue et rempli toute la terre.

– Si le Royaume de Dieu commence avec Jésus, qu’en était-il des gens dans l’Ancien Testament? N’y avaient-ils pas accès?

 
Sur le Royaume de Dieu, je crois que le début de la réponse c’est la notion de « déjà » et de « pas encore » suite au ministère de Jésus. L’accomplissement des promesses de l’AT est en Jésus Christ, et Jésus peut parler du Royaume comme une réalité présente p. ex :

« Les pharisiens demandèrent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu. Il leur répondit: Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards.  On ne dira point: Il est ici, ou: Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous. » Luc 17.20-21.

Mais en même temps, c’est une réalité qui se développe, qui progresse, et qui sera totalement accomplie dans le futur – Marc 4.26-32 et Matthieu 13.31-33 montrent en image le royaume comme quelque chose qui grandit progressivement. On voit aussi par exemple en Matthieu 7.21-22 que Jésus parle de l’entrée dans le royaume comme quelque chose qui concerne « en ce jour-là », à savoir un accomplissement futur. Globalement le temps présent est un temps où on le royaume de Dieu se manifeste au travers des chrétiens et où on peut en goûter une partie, mais le temps où toute la terre donnera gloire à Dieu, le temps où le royaume sera accompli, cela reste encore à venir.

Concernant la prophétie de Daniel, je crois que ce qu’il a vu est une vision condensée, le royaume de Dieu a fait irruption, il est entrain de grandir, et finalement il remplira toute la terre. Un de mes profs disaient que les prophéties de l’AT, c’est souvent comme quand on regarde un paysage de montagne de loin, on a l’impression que toutes les montagnes sont à la même distance. Mais si on se rapproche ou que l’on prend de la hauteur, on voit qu’en fait il y a plusieurs chaines à plusieurs distances. Les prophètes voyaient les choses de loin, en les lisant ont peut avoir l’impression que le jour où le messie allait venir et le jour où tout serait accompli était tout en même temps. Ce qu’on a vu avec la venue de Jésus, c’est qu’il y a un « temps entre les temps », un moment où les promesses de Dieu sont d’un côté déjà accomplie en Jésus, mais où le règne final de Dieu n’est pas encore pleinement manifesté sur toute la terre.

Pour les gens de l’AT, une manière de progresser sur cette question c’est de lire Hébreux 11, où d’après moi on voit que les croyants de l’AT ont vu de loin ce qui était promis et que nous avons reçu. Ils ne l’ont pas reçu leur vie durant, parce que sans Christ cela n’était pas possible, mais je n’ai pas de doute que ceux qui sont mort dans cette attente ont obtenu ce qui était promis lorsque Jésus est venu (en laissant de côté la question de savoir si ils ont perçu un temps d’attente après leur mort, ou si tout se passe dans 2 temporalités différentes, etc.).  Ce que Christ a fiat, nous en bénéficions comme une chose accomplie, alors qu’eux l’attendaient comme une chose à venir, mais en attendant la promesse de Dieu, ils manifestaient la foi en Christ qui allait venir, même si c’était moins clair pour eux que pour nous aujourd’hui.

Jean-René Moret

Sur la notion d’alliance

arc_en_cielUne notion que l’on retrouve tout au long de la Bible, et que l’on voit déjà bien mise en oeuvre dans la Genèse, est la notion d’alliance. Il s’agit d’un engagement entre deux parties, qui fait souvent intervenir un serment, et qui crée des obligations mutuelles entre les partenaires de l’alliance.

Une alliance de l’époque n’est pas d’abord un contrat qui se concentre sur un certain nombre d’action déterminées à effectuer, mais c’est un engagement qui crée une relation spécifique, où la loyauté est essentielle.

Le sens du serment est d’appeler une sanction sur celui qui ne respectera pas l’alliance. Un rite courant pour conclure une alliance, que l’on voit dans Genèse 15 mais aussi dans des documents du proche-orient ancien, consiste à couper des animaux en deux, et les deux parties passent entre les animaux. Par là, on dit « si je ne respecte pas mes engagements, que je sois coupé en deux comme ces animaux ». D’ailleurs, le mot hébreu pour conclure une alliance signifie « couper », en lien avec ce rite.

Un traité d’alliance typique fait apparaître un historique des relations entre les deux parties, les engagements de la partie la plus forte et ses exigences, ainsi que des bénédictions pour celui qui respecte l’alliance, et des malédictions contre celui qui ne la respecte pas.

La notion d’alliance apparaît explicitement pour la première fois en genèse 9, dans l’alliance avec Noé, mais elle reviendra régulièrement dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, avec la volonté de Dieu d’être dans une relation d’alliance avec l’homme, et le problème que pose l’infidélité des hommes face aux alliances de Dieu.